Les TCA et le trauma. Par Sarah Latouche, psychologue spécialisée TCA.

Les TCA et le trauma

Comme nous avons pu le voir dans un précédent article, les TCA peuvent avoir de nombreuses causes. Parmi toutes ces causes, il y a les traumatismes. Dans cette article, vous pourrez trouver le lien entre les TCA et le trauma. Je définirais le traumatisme, pourquoi les TCA peuvent apparaître après un trauma et quelles sont les pistes pour s’en sortir. 

Définition du trauma :

Tout le monde peut être exposé à un évènement traumatique. Le trauma est un évènement brutal et grave, qui menace l’intégrité de la personne ou sa vie. Il résulte d’un vécu subjectif de violence, de perte de contrôle. Il nous fait prendre conscience que la mort peut être soudaine et concrète. Nous prenons conscience de notre finitude

Il existe deux sortes de traumatisme. Le trauma direct, la personne est touchée directement en étant exposée à la mort, à une menace de mort, à de la violence physique et/ou sexuelle, une blessure grave. Par exemple, cela peut être un accident, un attentat, une maladie, de la maltraitance, des abus, des agressions, la guerre … 

Les traumatismes indirects sont les mêmes évènements mais vécus par des proches et qui nous impactent indirectement. Il peut s’agir également le fait d’être témoin d’un évènement traumatisant. Cela peut toucher les familles, les amis des victimes mais aussi les secouristes, les ambulanciers, les pompiers, la police, les médecins … 

Enfin, certains traumatismes sont liés à des évènements moins violents mais récurrents comme les humiliations, le harcèlement, la maltraitance psychologique. Ces comportements impactent et détruisent l’intégrité psychique et la confiance en soi. 

Le lien entre les TCA et le trauma :

Les TCA peuvent être un moyen de se déconnecter de notre vécu émotionnel, physique et psychique. Notre cerveau est déconnecté de notre corps. Manger peut nous permettre d’anesthésier ce que l’on ressent. On est focalisé sur la nourriture. 

Les TCA  peuvent survenir aussi par ce qu’à cause du trauma, le corps et les pensées sont dissociés. Dans ce cas, on a du mal à être dans le contrôle de ce que l’on mange car nous ne pouvons pas être connectés à nos sensations de faim et de satiété. 

Les traumas amènent également à une image corporelle dégradée, abimée, douloureuse. Nous cherchons à modifier ce corps pour qu’il ne ressemble plus à un corps sexué. Cela peut nous pousser à ne plus s’alimenter pour maigrir et perdre notre poitrine, nos fesses, les menstruations … Et ces restrictions conduisent ensuite à de l’anorexie ou de la boulimie. On peut également manger au-delà de nos besoins pour venir créer une enveloppe protectrice autour de nous et avoir l’impression que l’extérieur ne pourra plus nous blesser. 

Enfin, la souffrance psychique et physique qui résulte des traumas, peut être tellement forte que notre psyché cherche par tous les moyens à l’exprimer. Quand il est difficile de mettre des mots sur ce que l’on a vécu, de pouvoir être entendu dans notre entourage, le corps finit par parler. La nourriture peut nous donner l’impression d’apaiser la souffrance intérieure ou le vide que l’on ressent. 

Que faire ?

Pour avancer et soigner son traumatisme, il est important d’agir sur différents niveaux : sur son entourage, sur ses émotions, ses pensées, son bien-être corporel.

Votre entourage :

Sur votre entourage, il y a deux cas de figure : les personnes toxiques et les personnes bienveillantes. Il va être important de vous éloigner des personnes toxiques ou nuisibles pour préserver votre santé. Même si on aime ces personnes, vos sentiments doivent passer en second plan. En ce qui concerne les personnes bienveillantes, ils vont jouer un rôle essentiel dans votre guérison. Un professionnel de santé ne pourra pas vous apporter l’affection, l’amour, la présence, les moments de plaisir, de distraction, les souvenirs agréables dont vous avez besoin. Mais pour que votre entourage puisse vous aider, il est indispensable de sortir du silence, en parlant des faits, mais aussi de ce que vous ressentez, vos émotions, vos pensées et vos difficultés. Vos proches peuvent être maladroits car ils n’ont pas de connaissance sur les traumatismes. Garder en tête qu’ils ne peuvent pas savoir ce que vous ressentez (confiez vos émotions). Ils ne peuvent pas connaître vos besoins (expliquez, demandez). Votre situation est complexe pour vous mais aussi pour vos proches. S’isoler et ne pas parler aggrave le problème. Parler soulage et c’est le premier pas vers la guérison. Il n’est pas nécessaire d’en parler à tout le monde, mais vous pouvez trouver des personnes-ressources en qui vous avez confiance.  

Porter plainte est une manière de briser le silence. Malheureusement, cela n’aboutit pas toujours à une reconnaissance ou une condamnation donc cela peut être très douloureux. Avoir son entourage avec soi, une association et un professionnel peuvent aider à passer le cap. 

Vos émotions :

Les bouleversements émotionnels que vous vivez correspondent à un processus psychologique d’adaptation très important. Notre corps essaye de retrouver un état normal comme il était antérieur au traumatisme. 

Dans un trauma, la peur a son curseur au maximum, ce qui peut entraîner également une grande colère, une grande tristesse ou un grand dégoût. Vos émotions peuvent être soit une grande cacophonie ou bien au contraire ne plus rien ressentir. C’est pour cela qu’il est important de travailler sur ses émotions. 

Le travail sur les émotions se fait en 4 étapes : se connecter à ses sensations, identifier son émotion, accepter l’émotion et enfin exprimer l’émotion. J’écrirais un prochain article pour aller plus loin sur ce thème très riche. 

Il est également primordial de travailler sur les déclencheurs qui réactivent le ou les traumatismes.  Il existe différentes techniques de gestion émotionnelle, à vous de tester pour identifier celle qui vous convient le mieux : la respiration carrée, la cohérence cardiaque, la relaxation, la méditation en pleine conscience, pleurer, crier, se distraire, dessiner ses émotions, écrire, donner du sens … 

Vos pensées :

Certaines pensées maintiennent la détresse. Ce qui est traumatisant n’est pas vraiment l’évènement mais les pensées qui en découlent, ce qu’il représente pour vous, la manière dont il va modifier votre vision du monde et des autres. Par exemple, après une agression sexuelle, on peut croire que tous les hommes sont dangereux, vous n’arrivez donc plus à faire confiance à un homme, cela engendre des difficultés relationnelles dans votre couple, au travail, quand vous marchez dans la rue … Ces croyances engendrent à leur tour des symptômes. Pour continuer sur notre exemple, vous pouvez avoir une attaque de panique si vous êtes seule avec un homme dans une pièce. Notre discours intérieur  va influencer notre réalité. Dans notre exemple, vous allez peut-être interpréter les regards des hommes comme insistant, dragueur …

Le travail sur les pensées se fait en trois étapes : explorer ses pensées ( identifier son discours intérieur), prendre du recul en questionnant ses pensées et enfin les modifier avec des pensées alternatives plus positives

Les pensées sont le plus souvent automatiques comme des notifications sur votre téléphone. Elles sont spontanées, s’enchaînent en cascade. Elles sont sans raisonnements voire irrationnelles même si elles paraissent plausibles.

Les pensées sont le plus souvent déformées comme les pensées en noir ou blanc, voir avec des œillères, sur généraliser, tirer des conclusions hâtives, maximiser le négatif … 

Son bien-être corporel :

Après un traumatisme, la personne peut avoir tendance à ne plus prendre soin de son corps. Le corps passe au second plan car la souffrance est trop importante. Vous pouvez manquer d’énergie pour prendre soin de lui, vous nourrir ou faire de l’activité physique. Il est fréquent également de rejeter son corps, lui en vouloir. Parfois même les victimes de traumatismes ressentent le besoin de se faire du mal et se mutiler. L’objectif est de renverser la tendance et prendre soin de son corps en utilisant l’autocompassion. Il est important de sortir de la spirale de souffrance traumatique.

Pour prendre soin de soi, vous pouvez faire de la relaxation ou de la méditation. Attention il est important d’avoir d’abord appris à gérer les reviviscences et vos émotions. Ces deux techniques ont des effets scientifiquement prouvés si elles sont pratiquées régulièrement. 

Les éléments essentiels pour votre bien-être

  •  dormir suffisamment
  • une alimentation diversifiée
  • de l’activité physique : marche, sport, balade dans la nature, yoga, stretching, jardinage …
  • de la distraction, du loisir, rire, activités plaisantes
  • une vie sociale avec des échanges
  • de la gratitude envers vous
  • apprendre à vivre plus dans l’instant présent
  • prendre soin de votre peau et de votre apparence.
guérir des TCA

Cet article est déjà très long, alors je vais m’arrêter là. Dans un prochain article, je pourrais vous parler de la manière dont vous pouvez agir sur vos valeurs

Ce qu’il est le plus important à retenir, c’est qu’il est important de verbaliser votre vécu, votre ressenti. Vous pouvez également retenir qu’il y a plein d’aspect à travailler. A vous de commencer par ce qui vous semble le plus simple et d’essayer d’avancer sur les différents pans. 

N’hésitez pas à aller voir un professionnel de santé, il vous aidera à faire le point, à avoir un espace de parole bienveillant et neutre. Il vous aidera à marcher sur le chemin de la guérison. 

Je vous conseille le livre : le trauma, comment s’en sortir? de Coraline Hingray et Wissam El-Hage au édition Deboecksuperieur.

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